MODE : LA REVANCHE DES SÉNIORS

Si l'univers de la mode a longtemps porté aux nues les beautés juvéniles, se peut-il que ce temps soit révolu ? On dirait bien. Depuis plusieurs années maintenant, un vent de renouveau souffle sur la mode : celui qui célèbre la splendeur de l'âge mûr.  

Voilà près de 10 ans que les grandes maisons ont (re)commencé à souligner la beauté de l'âge en misant sur des égéries nées avant les années 70, comme Isabelle Huppert chez Balenciaga, par exemple. Mais pas que. Que ce soit au cinéma, dans la musique ou encore donc dans la mode, les seniors semblent prendre une revanche sur les plus jeunes générations. À l'heure où la jeunesse est d'or, ils n'ont donc pas dit leur dernier mot. Bien au contraire.  

“À vingt ans, on est invincible, à vingt ans, rien n'est impossible”, chantait Lorie en 2002. Et si on a souvent cru que l'avenir et la fougue appartenait aux plus jeunes générations, difficile de nier que la cinquantaine apporte son lot de renouveau. Différentes figures peuvent en témoigner, comme notamment l'actrice Jennifer Coolidge, figure phare de la série The White Lotus.

Si beaucoup se souviennent d'elle sous les traits de la maman de Stifler dans la saga comique graveleuse du début des années 2000, American Pie, il a fallu près de 20 ans Jennifer Coolidge pour devenir l'une des actrices les plus en vogue du moment. Une chose qu'elle n'a pas manqué de souligner dans son discours de remerciement lors de la cérémonie des Golden Globes, où elle a été sacrée Meilleure Actrice dans un second rôle dans une série. Bourré d'humour et de références à sa carrière en berne avant The White Lotus, ce discours a marqué un vrai tournant dans la réhabilitation de l'actrice de 61 ans aujourd'hui vue comme l'un des noms sur lesquels miser.

Les modes se font et se défont, au rythme des changements que connait la société. Ces derniers mois, l'inclusion est sur toutes les lèvres. L'heure est à une meilleure représentation de tout à chacun : plus de mannequins plus size sur les défilés, plus de diversité, moins de frontières de genre mais aussi plus de mannequins âgés. Si bien que plusieurs grandes maisons de mode ont fait la part belle aux seniors sur les catwalks. Comme notamment au dernier défilé de la marque danoise Rotate, qui a vu Lisa Rinna, une actrice de 59 ans défiler ; ou chez Olivier Rousteing qui a invité l'iconique chanteuse Cher (76 ans) pour Balmain. Impossible de ne pas mentionner également la présence de Pamela Anderson lors du dernier défilé Jacquemus, devenue véritable muse pour le jeune créateur. 

Que ce soit en body à fines bretelles ou en combinaison seconde peau, les deux prouvent qu'oser et s'assumer se fait à tout âge. Loin de remarquer les affres du temps, tout ce que l'on voit ce sont des femmes absolument rayonnantes, véritables stars des défilés. 

Même constat chez AMI, qui a choisi l'actrice britannique Charlotte Rampling, 77 ans, pour clore son défilé automne-hiver 23-24 lors de la dernière Fashion Week de Paris. Célébrant l'extrême chic et la beauté naturelle de l'actrice, cette dernière est apparue vêtue d'un costume bleu marine oversized et d'un simple maquillage nude, ses cheveux gris coiffés en arrière.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le monde de l'influence n'est pas qu'un vivier à adolescentes. Plusieurs gros noms des réseaux sociaux ont plus de 50 ans et ils cartonnent. 

Comme Jannik, dit Jaadiee sur Instagram, qui photographie son grand-père roi du streetwear, désormais invité à de nombreux défilés de la Fashion Week.

Cet homme de 76 ans, qui pose en Dior, Gucci ou encore Off-White, cumule 1,1 millions d'abonnés sur Instagram. Un chiffre qu'atteindra prochainement Grece Ghanem, mannequin et influenceuse de 57 ans, qui cumule déjà près de 980 mille abonnés. Avec ses cheveux gris coupés en un carré court et ses tenues toujours pointues et colorées, Grece Ghanem prouve que l'âge n'a aucune incidence sur l'audace et le chic.

La classe et l'élégance de l'âge, voilà bien aussi des qualités dont dispose Nathalie Oliver, styliste, qui cartonne sur TikTok aux côtés de sa fille, Ninon. “Ça va maman ?”, c'est ainsi que démarrent toutes les vidéos publiées sur le compte TikTok des deux femmes. On y découvre alors Nathalie, toujours pressée, qui détaille alors son look du jour : toujours chic, jamais vulgaire.  Féru de vêtements de designers, ce duo mère-fille est très vite devenu viral sur TikTok : une trend humoristique reprenait d'ailleurs trait pour trait les codes de chacune de leur vidéo. Qu'importe que le “trop belle” qui ponctue chacun de leurs échanges soit repris à outrance : Ninon et sa maman prouvent une fois de plus que la mode est loin d'être une histoire de jeunesse. 

Dès les années 70, un concept a commencé à émerger : l'âgisme. Derrière cette notion se cache la discrimination par l'âge. Comme si les années au compteur étaient synonymes de valeur. Au cœur des préjugés de l'âgisme ? Les femmes, majoritairement, dont cacher les signes de l'âge est devenu une préoccupation primordiale. Teinture des cheveux pour camoufler les fils blancs et chirurgie esthétique sont devenues reines. Madonna en a dernièrement fait les frais. Alors que l'iconique chanteuse de 64 ans revient en force avec une tournée mondiale, elle a également été la cible d'importantes moqueries dues à son apparence physique à la suite de sa présence à la 65e cérémonie des Grammy Awards, le 5 février 2023. 

Métamorphosée, Madonna a été victime d'une débâcle de commentaires désobligeants. Si bien qu'elle a été obligée de répondre à ses détracteurs à travers une publication Instagram acide : “Une fois de plus je suis scrutée par le regard de l'âgisme et de la misogynie qui imprègne le monde dans lequel nous vivons. Un monde qui refuse de célébrer les femmes après l'âge de 45 ans et qui ressent le besoin de la punir s'il elle continue à être une femme de tête, travailleuse et aventureuse”. 

Avant de poursuivre : “Je ne me suis jamais excusée ni pour aucun choix créatif que j'ai pu faire, ni pour mon apparence ou pour ma façon de m'habiller et je ne vais certainement pas commencer. (...) J'attends avec impatience de nombreuses autres années de comportement subversif à repousser les limites et à tenir tête au patriarcat ; et surtout, à profiter de ma vie”. 

Et si l'avenir appartenait aux séniors ?