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La country, un genre de plus en plus inclusif

Socio | le lundi 17 mai 2021
Lil Nas veste à franges irrisée
Lil Nas. Photo by Noam Galai/Getty Images for BuzzFeed
De Lil Nas X à Orville Peck, une nouvelle génération d'artistes rend caduque les nombreux clichés liés à la country, en quête d'ouverture d'esprit et de diversité.

« Quand on est artiste de country, on ne force pas sa politique sur les gens. On les laisse vivre leur vie. C'est ancré en nous. » Dans le documentaire Miss Americana réalisé par Lana Wilson et sorti en janvier 2020, la pop star Taylor Swift résumait en quelques mots ses intentions, ainsi que celles de la country : un genre musical ancré dans le conservatisme, qui ne vise pas a priori à provoquer le changement social. En 2019, la chanteuse à mi-chemin entre pop et country avait pourtant dédié l'un de ses singles à la communauté LGBTQIA+ (« You Need To Calm Down »), puis elle a même pris position contre l'Amérique de Trump en mai 2020, à travers un tweet largement relayé par la presse. En parallèle, de nouvelles figures ont par ailleurs fait surface, charriant avec elle leur lot d'idées neuves et provocantes, de styles vestimentaires flamboyants s'inspirant de l'univers du rodéo et de propos engagés en faveur de l'inclusivité.

Les succès de Lil Nas X et Orville Peck en attestent : d'un côté, il y a un artiste noir et homosexuel, qui réinvente la country par le prisme du rap, s'associe à une vieille gloire locale (Billy Ray Cyrus, père de la star Miley Cyrus) et tutoie le sommet des charts pendant de longues semaines avec son titre « Old Town Road » (un morceau qui, après avoir été rejeté par les puristes, s'est imposé comme le morceau certifié single de platine le plus grand nombre de fois de l'histoire musicale des États-Unis).

De l'autre, un mystérieux crooner canadien qui se cache derrière un masque, conte ses romances avec d'autres hommes dans ses chansons et dit s'inspirer des cow-boys pour composer ses tenues étincelantes. « Ce qui me plaît dans cette esthétique, disait-il dans une interview publiée sur Numéro, c'est le parallèle entre ces hommes qui prônent leur virilité tout en portant des costumes roses éblouissants à strass. J'ai toujours aimé ce contraste. »

Des campagnes américaines aux Fashion Weeks
Lil Nas X et Orville Peck ne sont bien évidemment pas les seul·e·s à se jouer des codes propres à la country. Ces dernières années, plusieurs artistes ou encore influenceur·se·s afro-américain.e.s ont adopté le look cow-boy (Kelela, Janelle Monáe, Luka Sabbat...), tout comme la chanteuse belge Angèle, qui arborait des chaps en cuir noir lors de son concert donné à l'occasion du défilé Etam de septembre 2019.

Les marques n'hésitent pas non plus à réinterpréter ce style : Gucci, lors de son défilé printemps-été 2019, présentait un look explicitement inspiré par la vie dans le Wild Wild West. Les franges ont elles aussi la cote : on en retrouve sur une chemise YCH et un pantalon YCH, chez Nanushka sur une veste tricotée sans manche, sur une pochette en nylon Prada ou encore sous forme de cristaux gris sur un sweat en laine Christopher Kane. En parallèle, le label R H U D E a même sorti une chemise à imprimé cow-boy.

défilé YCH

Défilé YCH. Photo by Jeff Spicer/BFC/Getty Images for BFC

La country serait-elle redevenue cool ? Si des marques comme Ralph Lauren ont toujours fait du look cow-boy leur fonds de commerce,  ce genre musical a définitivement quitté l'Amérique profonde, rurale et majoritairement conservatrice, pour investir les grandes villes, les hautes sphères de l'industrie musicale et les bars branchés. À croire qu'il y aurait désormais deux visions opposées de la country : celle traditionnelle et celle plus contestataire, qui rejette le conservatisme d'un genre musical nettement moins macho qu'on pourrait le penser.

Dur à queer
Musicalement, le retour en grâce paraît indéniable : à l'instar de ce qu'il s'est passé dans les années 1990 (avec l'arrivée de Garth Brooks et Shania Twain) et 2000 (Kelly Clarkson, Taylor Swift), de nouveaux artistes émergent, bien décidés à s'inscrire dans cet héritage. À la différence près, et elle n'est pas mince, que Liza Anne, Jessica Lea Mayfield ou encore Sarah Shook ne visent pas simplement le sommet du « Hot Country Songs » : tout, chez eux·elles, trahit en effet l'ambition d'aller au-delà de la country, de la sortir des sentiers hétéronormés, de critiquer les « toxics boys » et d'offrir une nouvelle vision, moins virile, plus troublée, de l'américanité. Il y a aussi quelque chose de profondément rafraîchissant à observer Trixie Mattel sortir de l'écurie « RuPaul's Drag Race » et convaincre autant les fans de country traditionnelle que la scène drag queen et le grand public - rappelons que son album One Stone, sorti en 2018, s'est hissé illico à la première place du classement iTunes.

Kacey Musgraves connaît elle aussi depuis quelques années un véritable succès outre-Atlantique. Les médias l'encensent (Billboard, Pitchfork, Time, Vulture), les institutions récompensent son travail (« Album de l'année » et « Meilleur album country » lors des Grammy Awards 2018), tandis que ses paroles rencontrent un véritable écho au-delà des fermes de l'Amérique profonde. Parce qu'elles prônent l'inclusivité, qu'elles se refusent à des interprétations classiques (« Oh, What A World » contient même du vocoder) et qu'elles témoignent d'une volonté foncièrement innovante.

Croisements stylistiques
La démarche novatrice de Kacey Musgraves ou Lil Nas X n'est pas inédite : au début des années 2000, Nelly, Nappy Roots, UGK, Bubba Sparxxx et autres country-boys sont déjà passés par là, croisant le hip-hop à cette musique traditionnellement populaire dans les campagnes. Dernièrement, Nelly, auteur des cultissimes Country Grammar et Nellyville, a d'ailleurs tenu à tisser des liens définitifs entre le rap et la country, rappelant que ces deux genres ont finalement les mêmes obsessions, la même façon de prôner une fierté régionale, d'évoquer les dépossédé·e·s et les histoires louches qui se narrent généralement dans les rubriques faits-divers des quotidiens du pays.

Une révolution s'annonce, et celle-ci se fait à base de denim, de santiags et d'artistes hybrides, convaincus de pouvoir bousculer les codes d'un genre resté trop longtemps figé.

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