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Quelles évolutions sociétales annonce la génération Z ?

Socio | le vendredi 7 août 2020
De gauche à droite :

ElleEuxLui

Né·e·s entre la fin des années 1990 et le milieu des années 2010, il·elle·s sont fans de Billie Eilish et Greta Thunberg et n'ont jamais connu de monde sans smartphone. Au-delà des différents clichés qui lui sont rattachés, la « Gen Z » pose les bases d'une société dans laquelle la hiérarchie s'efface devant la collaboration, où le pragmatisme remplace l'idéalisme et les combats pour l'environnement et l'égalité se vivent en actes. 

Narcissiques, obsédé·e·s par leursmartphone, incapables de se concentrer plus de 10 minutes... Aux yeux de certain·e·s, les jeunes de 20 ans ou moins possèdent tous les défauts. La réalité est pourtant bien plus nuancée et celle que l'on appelle la « génération Z » pourrait même être salvatrice pour notre société.

Qui sont-il·elle·s exactement ? Si les démographes ne sont pas tous·te·s d'accord, on considère en général qu'il s'agit des personnes nées après 1995. Il·elle·s arrivent après les baby-boomers (nés entre 1946 à 1964) qui ont profité des Trente Glorieuses, la génération X, enfants du divorce et des premiers ordinateurs, ou encore la génération Y et sesmillennials, né·e·sentre 1981 et 1997. « Ce sont les véritables digital natives. C'est-à-dire qu'ils n'ont jamais connu le monde sans les smartphones et sans les réseaux sociaux», explique Élodie Gentina, enseignante-chercheuse affiliée à l'IÉSEG School of Management et spécialiste sur la question. «Ils ne se sont pas adaptés au numérique, mais sont nés avec », poursuit-elle. Google, créé en 1998, Facebook (2004) ou encore Deliveroo (2013) ont grandi en même temps qu'eux·elles.

Résultat : les membres de la « Gen Z » sont connecté·e·s en permanence sur de multiples social media. En 2019, le cabinet international de conseil en stratégie OC&C a publié l'étude « La génération sans frontières, introduction à la génération Z » après avoir interrogé 15 500 jeunes de neuf pays différents. Il en est ressorti qu'il·elle·s naviguent en moyenne sur 4,4 plateformes différentes, contre 2,7 pour la génération X. Et Instagram, Snapchat et TikTok ont davantage leurs faveurs que Facebook. Les conséquences sont qu'il·elle·s sont très influencé·e·s par les réseaux sociaux et, inversement, qu'il·elle·s sont tou·te·s plus ou moins influenceur·se·s à leur niveau. Il·elle·s sont également plus internationaux·les que leurs aïeux·les. C'est-à-dire que les différences géographiques ont un impact culturel moindre et qu'internet a homogénéisé les comportements des jeunes, de Paris à New York en passant par Rio de Janeiro.

Des jeunes conscient·e·s des risques de la surconnexion 

Cette surconnexion a aussi des effets néfastes. Selon une étude publiée en 2019 dans la revue britannique BMC Psychiatry, un·e jeune sur quatre serait addict à son téléphone portable. Et de nouveaux troubles mentaux ont émergé en même temps que le numérique. À l'image de la FOMO (« fear of missing out »), la peur de rater quelque chose, exacerbée par les stories des ami·e·s qui partagent leur quotidien. La génération Z est hyper-anxieuse et mise sous pression par les réseaux sociaux. Mais, sans doute davantage que ceux·celles qui les précèdent, ils·elles sont conscient·e·s des risques qu'ils·elles prennent et tentent de les limiter. À seulement 16 ans, l'Américaine Amanda Southworth a développé anxietyhelper, une application gratuite lancée en 2018 visant à aider les plus jeunes à gérer le stress et l'anxiété et à se sentir mieux à l'aide de la relaxation et de la méditation. L'atteinte à la vie privée est aussi une de leurs préoccupations. Ils·elles sont nombreux·ses à cumuler un compte public et un compte privé, destiné à leur famille ou aux ami·e·s proches. Comme s'ils·elles avaient appris des erreurs de la génération Y, habituée à livrer sans retenue les détails de sa vie personnelle à des milliers de connaissances sur Facebook.

Contrairement aux idées reçues, les plus âgé·e·s des membres de la Génération Z semblent en réalité être devenu·e·s de jeunes adultes qui savent se prendre en main. Une autonomie qui se retrouve dans le monde du travail. Quitte à bouleverser le statu quo. «C'est la première génération omnisciente. Elle a un rapport à l'autorité et à la connaissance bien différent des anciennes, parce qu'aujourd'hui, on a l'information à portée de main », analyse Élodie Gentina, qui a coécrit l'ouvrage Génération Z. Des Z consommateurs aux Z collaborateurs (Dunod, 2018). Pour les digital natives, ce n'est plus le·a sachant·e qui a l'autorité, mais celui·celle qui fait. «Ils remettent en cause le système pyramidal traditionnel en entreprise », analyse l'auteure. Leur ligne directrice, c'est moins de hiérarchie, plus de collaboration. Ils fonctionnent en termes de projet plutôt qu'en termes de carrière. C'est pour cela que le spécialiste Éric Delcroix, qui leur consacre le blog "Les z'ed", les appelle les "free-lances nés". » À titre d'exemple, pour gagner de l'argent de poche, de nombreux·ses ados ne prennent plus de boulots d'été dans la restauration ou sur les marchés, mais se lancent dans la revente de produits de marques de luxe sur des plateformes spécialisées. 

Billie Eilish et Greta Thunberg : archétypes d'une génération 

Les codes professionnels ne sont pas les seul·e·s qu'ils envoient valser. Les normes de genre, également très peu pour eux·elles. Concernant la féminité et la masculinité, le mot d'ordre est « fluide ». La chanteuse californienne Billie Eilish, qui a remporté cinq Grammy Awards à seulement 18 ans, est l'archétype de cette génération qui sort des carcans. Le plus souvent vêtue de vêtements sombres et ultra-larges, l'interprète de « Bad Guy » refuse de rentrer dans les cases de la pop star classique, généralement sexy et séductrice. Dénonçant le body shaming, elle s'engage en parallèle en faveur de l'écologie : le reflet d'une conscience politique forte, que l'on retrouve également chez nombre de ses pairs.

« Une génération, c'est un ensemble de personnes qui ont vécu des évènements "marqueurs" », précise Élodie Gentina. En Occident, si les millennials ont vécu une paix relative dans les années 1990 et subi les chocs du 11 septembre 2001 et des crises économiques, ceux·celles né·e·s en 2000 traversent de multiples crises globales depuis le berceau. Réchauffement climatique, augmentation des inégalités, terrorisme et désormais pandémie sont le lot de la génération Z. Dans son dernier rapport, publié en mai 2020, l'Organisation internationale du travail estime que les moins de 25 ans seront les principales victimes des conséquences économiques du coronavirus. Dans ces conditions, ils·elles sont moins optimistes que leurs aîné·e·s : l'idéalisme a fait place au pragmatisme. Les plus jeunes sont réalistes sur la dureté du marché du travail et les conséquences réelles de l'activité de l'homme sur l'environnement. Quand ils·elles s'engagent, ils·elles favorisent les actes aux grandes idées. À partir de 2018, la Suédoise Greta Thunberg, aujourd'hui âgée de 17 ans, a lancé plusieurs grèves scolaires pour le climat qui se sont répandues à l'échelle planétaire. La lycéenne, nouvelle figure phare de l'activisme, tire profit des réseaux sociaux pour diffuser son message et agit concrètement pour alerter les dirigeant·e·s. De cette fracture générationnelle est née l'expression « OK Boomer ». Sur Twitter, Instagram et TikTok, les « Zoomers » (comme on les surnomme en anglais) se moquent des baby-boomers et des millennials, considérant qu'ils·elles ne comprennent pas la jeunesse et qu'ils·elles sont responsables des crises actuelles. 

Des consommateur·rice·s exigeant·e·s et des citoyen·ne·s engagé·e·s  

Pour autant, un conflit entre les générations n'est pas souhaitable. D'autant que la notion même de génération est à relativiser et comporte des limites. Elle ne prend pas en compte les différences internes aux groupes - comme l'origine sociale - et tend parfois à perpétuer des stéréotypes sur des tranches d'âge. Ces classifications sont des outils utiles qui permettent de mettre en avant les évolutions des comportements et des attentes des individus. Plutôt que de se demander qui est fautif·ve ou qui est le·a plus performant·e au travail, la société aurait plutôt tout intérêt à embrasser ce que les citoyen·enne·s de demain apportent de positif.

Certaines entreprises ont déjà commencé à s'ouvrir aux méthodes de leurs nouveaux·elle·s employé·e·s. Aux États-Unis, la start-up GenGuru, fondée par Jonah Stillman, 20 ans, et son père, aide les compagnies à comprendre les disparités et les attentes des différentes générations de salarié·e·s. En tant que consommateur·rice·s, la nouvelle génération se montre par ailleurs exigeant·e et ne se fait pas avoir. Outre le prix et la qualité, le lieu de fabrication, le respect de l'environnement et l'éthique de l'entreprise comptent avant de faire un achat. En mai 2019, par exemple, Calvin Klein avait dû présenter ses excuses après un spot publicitaire dans lequel la mannequin Bella Hadid embrassait l'influenceuse virtuelle Lil Miquela. Les internautes avaient reproché à la marque de l'avoir fait uniquement dans un but commercial, et de ne pas avoir consulté la communauté LGBTQ+. À quoi pourrait donc ressembler la société menée par la « Gen Z » ? Tout porte à croire qu'elle sera plus inclusive, plus collaborative et qu'elle n'aura pas peur de s'engager.

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