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Mory Sacko, chef étoilé de 28 ans : « Je vise l'exemplarité »
Printemps.com : D'où vient ta passion pour la cuisine ?
Mory Sacko : Tout petit, j'envisageais plein de choses pour mon avenir, mais pas de devenir chef. Puis vers l'adolescence j'ai été attiré par l'univers des palaces, et la partie cuisine était celle qui me plaisait le plus. J'ai décidé de me lancer quand j'avais 13 ou 14 ans. J'ai alors découvert toute la créativité que l'on pouvait avoir en tant que chef et ça m'a tout de suite plu. Depuis, je ne me suis jamais arrêté et chaque jour, c'est un vrai kiff.
Tu as assisté de grand·e·s chef·fe·s et tu as travaillé dans des palaces avant de participer à Top Chef. Comment es-tu parvenu à répondre à leurs exigences, connues pour être très hautes ?
C'est un univers difficile, avec un système et un mode d'organisation particuliers, qu'il faut savoir appréhender. Il faut apprendre comment fonctionne un hôtel, un restaurant, une brigade et même une hiérarchie. On progresse au fil du temps mais il faut vraiment être passionné. Sans passion, c'est très difficile car tout le monde est vraiment talentueux et ambitieux. Il ne faut donc jamais se relâcher et toujours être à son maximum.
Look de droite : T-shirt logo en coton noir Burberry , Paletot en sergé de nylon check rouge Burberry .
Tu as remporté ta première étoile Michelin en janvier dernier. Qu'as-tu ressenti à l'annonce de cette distinction ?
C'était une grande surprise. J'ai reçu un appel du guide Michelin, qui souhaitait me remettre mon trophée de « jeune chef ». On m'a proposé de venir le chercher à la Tour Eiffel, j'étais hyper content. Puis sur le plateau, j'ai appris en direct que ce trophée était accompagné d'une première étoile. C'était une grande fierté ! Mes parents étaient très heureux pour moi. Ils m'ont toujours poussé à faire ce que j'aime et à donner le meilleur de moi-même.
« En un mois et demi de Top Chef, j'ai gagné cinq ans d'expérience. »
Qu'est-ce que l'émission « Top Chef » t'a apporté ?
Ça a été un vrai accélérateur de carrière, tant du point de vue business que médiatique. Cela m'a aussi permis de grandir plus vite. On n'a jamais l'occasion de faire goûter ses plats à quinze grands chefs en deux mois. À chaque dégustation, je comprenais qu'il fallait réussir à simplifier les plats, alors que quand on est un jeune cuisinier, on a tendance à vouloir en faire trop. En un mois et demi, j'ai gagné cinq ans d'expérience.
Tu semblais toujours très à l'aise et spontané devant les caméras...
Pour entrer dans « Top Chef », on nous caste sur trois critères majeurs : la créativité, le talent culinaire et la personnalité. Au fil des tournages, je me suis rapidement habitué aux caméras et cela s'est ressenti à l'écran. Aujourd'hui, je présente une émission culinaire sur France 3 [Cuisine ouverte, NDLR], mais c'est un autre exercice. Je dois encore apprendre.
Avec ton restaurant Mosuke, tu proposes une cuisine ouverte sur le monde et inventive avec des influences africaines, japonaises et françaises. Comment est née cette fusion ?
Mosuke est la contraction de mon prénom et de « Yasuke », qui était le premier et unique samouraï africain du Japon. C'est une belle histoire et ça reflète bien l'identité culinaire du restaurant, à la croisée de la France, de l'Afrique et du Japon. Ce n'est pas forcément la fusion la plus évidente mais pour moi, c'était assez naturel, car la cuisine africaine est celle de mon enfance et j'ai toujours été passionné par la culture japonaise, les mangas notamment. Je suis très curieux, donc je me suis intéressé à leur cuisine, leurs techniques et leurs pratiques. Finalement, quand j'ai dû définir l'identité de mon restaurant, j'ai pris la décision de ne pas choisir et j'ai rassemblé ces trois cultures culinaires dans mes plats. J'ai pu ouvrir Mosuke deux mois, on était complet tout le temps. Lorsque le second confinement est arrivé, on a réagi en lançant Mosugo [uniquement disponible à la livraison ou en click and collect, NDLR], qui propose une carte éphémère de street food. Ça fonctionne très bien !
Qui sont les chef·fe·s qui t'inspirent ?
Je considère Thierry Marx comme mon mentor, il me suit depuis mes débuts. C'est lui aussi un grand amoureux du Japon, on partage cette passion. J'admire par ailleurs son savoir-être, ses valeurs et ses qualités de manager. C'est également quelqu'un qui « vient d'en bas » et qui a su gravir les échelons grâce à son travail. Je suis aussi très admiratif de chefs comme Ferran Adria ou René Redzepi, qui sont des créatifs et des visionnaires. J'aime enfin beaucoup Alain Passard ou Pierre Gagnaire, des génies de la cuisine, en ébullition permanente. Leur approche est très cérébrale, j'adore quand la cuisine est pensée, réfléchie et qu'elle a du sens.
Que conseillerais-tu aux jeunes chef·fes qui souhaiteraient à leur tour gravir les échelons ?
Je leur dirais de ne pas prendre en compte les temps qui courent, car on sait de manière certaine que les gens auront toujours envie de manger. La période actuelle est difficile mais elle est passagère. Il faut surtout être patient : il faut prendre le temps d'avoir des bases solides, de se construire et de découvrir sa propre personnalité.
Look de droite : T-shirt logo en coton noir Burberry , Manteau sans manches en laine technique check marron Burberry .
Tu fais partie d'une nouvelle génération de chef·fe·s. Penses-tu que la gastronomie est en train de vivre un tournant vers une plus grande inclusivité, diversité et même parité au sein de son écosystème ?
Totalement. Il y a plus de diversité et en termes de parité l'équilibre s'améliore. On porte également de nouvelles valeurs. Jusqu'ici, la cuisine consistait à reproduire ce que nos chefs nous avaient enseigné, mais maintenant on s'émancipe, il y a une vraie rupture. Chacun gère sa cuisine et son restaurant comme il l'entend, avec une philosophie vraiment singulière.
Tu es par ailleurs passionné de mode.
Oui, j'adore la mode. C'est naturel. J'aime les belles choses et c'est un univers qui est lui aussi très créatif. Comme en cuisine, une marque ou un designer s'exprime à travers une collection ou un défilé. Quand on admire un show, on admire un travail d'équipe et l'incarnation d'une idée. Comme pour un chef, finalement.
Que peut-on te souhaiter pour la suite ?
De garder le sourire. Si j'ai le smile, c'est que tout va bien.