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Le festival de Hyères célèbre ses 35 ans

Arts | le vendredi 16 octobre 2020
le jury 2020 au festival de hyères
Villa Noailles - Jury Sélection Mode 2020. © Luc Bertrand.
Une fois n'est pas coutume, cette année, la 35e édition du festival international de mode, de photographie et d'accessoires de mode de Hyères a été décalée à l'automne. Du 15 au 19 octobre, la célèbre Villa Noailles accueillera de nouveau la fine fleur de la création française et internationale et vivra au rythme du festival, qui célèbre la nouvelle garde créative depuis son lancement, en 1986, par une bande de copains. Trente-cinq ans plus tard, Jean-Pierre Blanc, son fondateur historique, s'amuse du succès de cette grand-messe de la création qui n'était au départ qu'un rêve de jeunesse, une utopie varoise.

Le 35e festival de Hyères aura bien lieu. Après des mois d'incertitude en raison de la pandémie, l'équipe de Jean-Pierre Blanc finalise les préparatifs pour mettre en œuvre la réussite de cette édition anniversaire présidée par Jonathan Anderson, directeur artistique de la maison Loewe et du label qui porte son nom. Qui mieux, en effet, que le designer irlandais, également à la tête du Loewe Foundation Craft Prize, le premier prix international d'artisanat contemporain, pour célébrer trois décennies d'art et de mode ? Un jury prestigieux qui compte également parmi ses membres Paolo Roversi, président de la branche Photographie, le mannequin Kaia Gerber ou encore l'illustrateur sonore Michel Gaubert. Cette année encore, 10 candidat·e·s s'affronteront ainsi pour décrocher le Graal de la jeune création dans chacune des trois catégories du concours : la Mode, la Photographie et l'Accessoire de mode.

Laboratoire et observatoire de tendances, lieu de médiation, tremplin pour la jeune création : les manières de décrire ce festival ne manquent pas. Depuis ses débuts, il se pose comme l'un des défricheurs de talents majeurs de la scène mode internationale. Dernier exemple en date : en 2018, le duo néerlandais Botter, composé de Lisi Herrebrugh et Rushemy Botter, fait sensation avec sa collection « Fish or Fight », inspirée des Caraïbes. Face à eux·elles, on retrouve un jury de prestige présidé par Haider Ackermann, aux côtés notamment de l'actrice Tilda Swinton et de la chanteuse Lou Doillon. Une épopée dont se souviennent Lisi Herrebrugh et Rushemy Botter, qui se revoient arrivant au festival après un road trip mémorable : « L'arrière de notre voiture était entièrement rempli par notre collection, sur laquelle nous avions travaillé pendant toute une année. On se souvient de notre sentiment d'excitation face à l'opportunité de partager notre vision », raconte le duo, qui est reparti de cette édition auréolé du Grand Prix. « Le festival de Hyères a immédiatement accéléré notre carrière en nous donnant une visibilité mondiale, poursuit le couple. Nous avons senti une véritable curiosité de l'industrie envers notre travail et notre façon de penser. » Cinq mois plus tard, coup de tonnerre dans la mode : le couple est nommé à la direction artistique de la maison de luxe Nina Ricci, marquant un véritable tournant disruptif dans ses collections.

Une consécration qui n'est pas sans rappeler le destin de Felipe Oliveira Baptista, ou encore ceux de Julien Dossena et Anthony Vaccarello, tous deux lauréats de la 21e édition du festival de Hyères en 2006. Tout juste diplômé de l'école bruxelloise de mode et d'arts visuels de La Cambre, Anthony Vaccarello remporte la palme d'or de la jeune création grâce à une collection sensuelle s'inspirant de la Cicciolina, la sulfureuse actrice porno et femme politique italienne. Repéré par Karl Lagerfeld, il se voit alors offrir un poste chez Fendi, avant d'être nommé à la tête de la maison Saint Laurent, où il officie depuis 2016. « Le succès d'Anthony Vaccarello, Felipe Oliveira Baptista, Julien Dossena, Botter et tous les autres nous prouve que les exigences créatives et les directions artistiques que l'on s'est imposées depuis le début ont un sens, confie Jean-Pierre Blanc. Elles font grandir le festival et nos talents. » Attirant chaque année les plus célèbres couturiers·ère·s, designers, photographes et créatif·ve·s de son temps, rien ne prédestinait pourtant cet évènement à jouer dans la cour des grand·e·s.

Un pari audacieux

Durant les années 80, la mode est en plein renouveau, Paris attire tous les regards et on assiste à l'éclosion de nouveaux créateurs comme Claude Montana et Thierry Mugler, érigés en véritables vedettes des « golden eighties », mais également Azzedine Alaïa et Jean Paul Gaultier. Dans leur Sud natal, le jeune Jean-Pierre Blanc (âgé de 21 ans seulement) et sa bande rêvent aussi de paillettes et de mode. En 1986, ils lancent le pari de créer un festival à Hyères pour soutenir la jeune création, avec l'aide de la ville et de son maire historique, Léopold Ritondale. Alors que tous les projecteurs sont braqués sur Paris et son fameux Palace, ils·elles décident d'envoyer une lettre à toutes les grandes maisons de mode pour leur demander leur soutien et les convier à participer à cette première édition, avec la ferveur de ceux·celles qui n'ont rien à perdre. « Je suis assez têtu, ou testard comme on dit dans le Sud », s'amuse Jean-Pierre Blanc. Didier Grumbach, PDG de Thierry Mugler à l'époque, est le seul à répondre à l'appel, d'un refus courtois toutefois. Il fait aujourd'hui partie du cercle intime du festival, tout comme Jack Lang, alors ministre de la Culture et soutien d'origine. La première édition se déroule dans l'église anglicane désaffectée de Hyères sous les yeux d'un jury éclectique. Il inaugure une longue série de défilés et de performances de mode dans la cité varoise, également terre de cinéma, qui inspira des réalisateurs mythiques comme Jean-Luc Godard, François Truffaut ou Maurice Pialat.

Dès les premières années, le festival révèle des talents prometteurs, à l'instar du Belge Sami Tillouche, qui remporte la compétition en 1989 alors qu'il est encore étudiant à l'école de mode La Cambre, ce qui ouvre la voie à des relations privilégiées entre l'événement hyérois et la jeune garde créative belge. Mais le véritable tournant a lieu en 1991, lorsqu'un jeune créateur, qui vient de défiler à Paris, accepte de faire partie du jury. Son nom : John Galliano. « La venue de John Galliano au festival nous a tout de suite donné une envergure différente. Il nous a placés sur la scène internationale », explique Jean-Pierre Blanc. L'année suivante, en 1992, le jury est exceptionnel et compte parmi ses membres Helmut Lang, Martin Margiela ou encore Jean Touitou.

Tenue jaune du festival de hyères

Villa Noailles - Sélection Mode 2020. © Luc Bertrand.

Une référence internationale

Après s'être concentré sur la création vestimentaire, le festival décide de s'ouvrir également aux nouveaux talents de la photographie de mode, en 1997. Surtout, il déménage dans la villa Noailles, au cœur de Hyères, fleuron varois de l'architecture moderne conçu par Robert Mallet-Stevens dans les années 1920 pour le couple de mécènes Marie-Laure et Charles de Noailles. Dans ce nouvel espace hautement symbolique, qui accueillait le Tout-Paris de l'entre-deux-guerres et son avant-garde, le festival s'épanouit et redonne au lieu sa vitalité d'antan. On y croise, d'une année à l'autre, Azzedine Alaïa, président du jury en 2005, ou encore Karl Lagerfeld, qui préside plusieurs éditions, dont celle des 30 ans du festival. « Ma rencontre avec Karl Lagerfeld reste à ce jour la plus inoubliable », confie Jean-Pierre Blanc. Car le succès du festival tient aussi au talent et à la renommée de ses jurys et président·e·s, qui comptent parmi les créatif·ve·s les plus influent·e·s de la mode. L'édition 2008 est ainsi présidée par Riccardo Tisci, qui dirige alors les collections Givenchy, avant d'être nommé à la tête de Burberry en 2019. En 2011, la relève est assurée par le couturier belge Raf Simons, qui collabore désormais avec Miuccia Prada en tant que co-directeur artistique de la maison italienne portant le nom de cette dernière. De Mario Sorrenti à Oliviero Toscani en passant par William Klein, les plus grand·e·s photographes de mode répondent quant à eux à l'appel pour présider le jury du prix de la Photographie.

Mannequin en parka au festival de Hyères

Villa Noailles - Sélection Mode 2020. © Luc Bertrand.

En 35 ans d'existence, le festival de Hyères s'est imposé comme une référence internationale : il est en effet le premier festival de mode gratuit et ouvert à tous·tes. Au fil des ans, il a su prendre de l'ampleur, attirant toujours plus de journalistes, de grandes maisons et même de politiques, comme en atteste notamment le récent patronage du festival par le président de la République, Emmanuel Macron. Cet événement périphérique, évoluant en marge des Fashion Weeks, a ainsi su s'imposer comme un rendez-vous international unique pour célébrer la mode et son avenir dans une atmosphère chaleureuse, conviviale et festive. « Il existe de nombreuses compétitions de mode, mais il n'y en a qu'une qui vous fait vous sentir chez vous », confient Lisi Herrebrugh et Rushemy Botter. L'édition 2020 du festival de Hyères s'annonce donc comme un événement très attendu : « Avec toute l'énergie que l'on dépense, je me dis que ce festival, auquel j'ai consacré plus de la moitié de ma vie et qui est une folie totale, sert à quelque chose... », conclut Jean-Pierre Blanc avec pudeur.

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